
Camille.
« Vous marier ? Encore ? Mais pourquoi ? »
L'air incrédule de mon père me donne presque une bouffée de chaleur, à cause de la tension, et je sens Charlie qui s'approche un peu plus de moi dans mon dos. Soutenu par sa béquille, il passe un bras autour de ma taille et je le vois soutenir le regard de mes parents sans flancher.
« Ce n'est pas nous marier encore... C'est nous marier vraiment. » je réponds en tâchant de maîtriser ma voix.
« Parce que pour l'instant vous n'êtes pas vraiment mariés ? Camille, qu'est-ce que ça veut dire ? »
« Nous voulons un mariage à l'église, une vraie cérémonie, avec nos amis et nos familles. »
Charlie a pris la parole, d'un ton confiant et assuré, et je me serre un peu plus contre lui en défiant presque mes parents du regard. Ma mère est légèrement tremblante, mon père a le regard durci, et moi je suis plutôt satisfaite de leur réaction en définitive. Ça n'a pas été aussi terrible que je le craignais finalement de leur annoncer.
« Mais Camille, chérie... » Avance ma mère. « Tu es sûre de vouloir te marier aussi... Aussi rapidement ? Il faut du temps pour préparer un mariage correct... »
« Et ne veux-tu pas attendre d'avoir accouché ? » ajoute mon père.
« Maman, techniquement, on est déjà mariés... Donc nous avons assez réfléchi comme cela, et nous souhaitons quelque chose de simple. »
« Justement, est-ce que c'est bien utile d'organiser une autre cérémonie ? »
« ...Et papa » je poursuis sans m'attarder sur la dernière réflexion de maman, « Si tu t'inquiètes de ce que pourront dire les gens, sache qu'en aucun cas je ne les oblige à venir. »
Mon aplomb me surprend moi-même, et j'adresse un rapide regard à Charlie qui resserre sa main sur ma hanche pour me signifier son soutien.
« Tu es vraiment, vraiment, sûre que tu veux... »
« On est sûrs qu'on le veut. Oui. »
Mon père lève les yeux au ciel, ma mère n'ajoute rien, mais tous deux sortent de la cuisine où notre réunion improvisée se tenait. Aussitôt, je m'appuie par réflexe contre Charlie en laissant échapper un profond soupir. Il manque de vaciller mais s'équilibre avec sa béquille, et immédiatement je me redresse en le scrutant d'un regard inquiet.
« Tout va bien ? »
« Ca va... Tu m'en veux si... Si je m'assieds un peu ? »
« Non, non, viens. »
Nous sortons sur la terrasse et Charlie se laisse presque tomber dans un des fauteuils puis étend ses jambes, donnant par mégarde un coup à Simba qui part en miaulant mécontent. Simba notre chat était remonté sur Lille avec Romane, et si il m'avait trop manqué, je savais qu'au fond pour Charlie ce n'était pas le cas. Je me mords la lèvre, et m'assieds face à lui tout en attrapant sa main. Il me rassure d'un sourire, et je savoure cet instant de tranquillité. Mais celui-ci est bientôt avorté, lorsque la porte d'entrée s'ouvre et qu'un cri de guerre triomphant résonne dans le salon. A travers la baie vitrée, j'aperçois Jules et Léanne avec Emma dans ses bras qui arrivent. Avant que je ne me sois relevée, maman arrive et accueille ma s½ur et ma nièce, pendant que mon neveu accourt jusqu'à nous. Je lui tends les bras, mais il m'embrasse rapidement avant de se jeter sur Charlie.
« Doucement chaton... » je souffle.
« Ca va Cam, t'inquiète pas. » me rassure Charlie.
Je profite de les voir se retrouver pour aller saluer Léanne. Elle en profite pour me passer ma nièce préférée dans les bras, j'essaie de me joindre à leur conversation déjà bien animée mais n'arrivant pas à suivre le sujet qui me semble soporifique, je retourne voir Charlie et Jules, occupés à rire à je ne sais quoi. Je me rassieds dans le fauteuil, serrant Emma contre moi qui gazouille joyeusement. Lorsque je redresse un instant les yeux, Charlie me sourit :
« Elle a grandi... »
« C'est le principe, Charlie. »
Je le vois qui nous dévisage quelques secondes encore, attendri, avant que Jules ne pose ses deux mains sur ses joues pour le faire se concentrer à nouveau sur son tee-shirt avec une épée imprimée dessus. Au bout de quelques instants, Emma quelque peu dérangée par l'énergie indomptable de Jules et n'appréciant pas le bruit, commence à hoqueter. Anticipant les pleurs, je l'écarte de son trublion de grand frère et rejoins ma s½ur pour lui rendre sa fille. Je profite du fait que maman soit en cuisine pour avoir un vrai moment de conversation. Léanne calmant vite Emma, la repose dans son cosy et lui tend Missy la souris, un doudou simplement gris et rose, que je lui avais offert pour son premier mois d'anniversaire.
« Elle ne s'en sépare jamais, j'ai dû lui en acheter trois pour pallier les accidents et lorsque j'en mets un au lavage. Tu as eu une brillante idée Camille. »
Emma gazouille de nouveau tranquillement mâchouillant un pan du doudou, puis assise confortablement, je vois ses yeux papillonner un moment et se refermer ensuite. Elle s'est endormie.
« C'est incroyable ce qu'elle a changé ! » je murmure.
« Un conseil Camille, profite de chaque instant, chaque seconde de ton bébé. Tu verras que chaque jour quelque chose changera. »
Léanne pose sa main sur mon ventre avec un grand sourire, et en profite pour me féliciter encore mais de vive-voix cette fois.
« Alors fille ou garçon ? »
« On le saura qu'à la prochaine écho, mais avec Charlie on a décidé de se garder la surprise jusqu'à la naissance. »
« Je n'arrive pas à croire que tu vas avoir un bébé, ma petite s½ur... »
Avant que je ne puisse répondre, j'entends Jules m'appeler :
« Tataaa ? Tu veux bien qu'on aille se balader ? »
« Tu peux demander à Charlie, mon ange ? Je voudrais... »
« Charlie a dit oui, mais seulement si tu venais ! » ajoute à voix basse Jules.
Je me retourne vers la terrasse et vois Charlie m'adresser un sourire faussement innocent. En soupirant, je ne peux pas résister, et m'excuse auprès de Léanne avant de les rejoindre. Jules, ravi, saute par terre et Charlie se relève lentement en prenant appui sur les accoudoirs du fauteuil puis de sa béquille. Jules crie presque pour dire à tout le monde que l'on va se promener, et Léanne lui fait les gros yeux en berçant Emma. Je m'empresse d'attraper la main de Jules pour l'entraîner au-dehors. Une fois dans la rue, le petit garçon se détache de moi, et c'est Charlie qui vient aussitôt enlacer ma taille de son bras libre. Il embrasse ma tempe et je ferme les yeux en souriant doucement alors que Jules sautille devant nous.
« Bon, vous faites quoi ? Pourquoi vous avancez pas ? » S'impatiente Jules.
Pour nous obliger à accélérer le pas, il vient s'imposer entre nous et attrape une de nos mains. Je m'esclaffe, Charlie en fait de même, et nous voilà en vadrouille dans les rues de ma jolie ville.
* * * * *
« Charliiie... » je gémis en venant m'affaler sur le lit, contre lui. « J'ai mal partout... »
« Je savais qu'il ne fallait pas marcher aussi longtemps. »
« Ça n'a aucun rapport... J'ai toujours mal, même sans rien faire... »
« Mal où ? »
Il vient souffler ces mots contre mon oreille, dans la pénombre presque totale de la chambre, et je sens sa main qui remonte le long de ma hanche. En esquissant un sourire, je réponds :
« Partout. Je crois qu'une bonne nuit de sommeil va me remettre d'aplomb. »
« Tu ne veux même pas un massage... ? »
« Mmh, je m'endors déjà... » je murmure avant de l'embrasser doucement et de caler ma tête contre son épaule.
Il soupire en feignant la lassitude, et pose une main sur mon ventre après avoir remonté le drap sur nous. Je suis dans les parfaites conditions pour m'endormir, mais pourtant, je n'y arrive pas. Charlie pour sa part trouve le sommeil assez rapidement, à en croire sa respiration qui se fait plus profonde et régulière au bout d'une vingtaine de minutes. En inspirant calmement, je tâche de me mettre dans les meilleures conditions pour l'imiter, mais en vain.
Je viens poser une main sur mon ventre, entrelaçant mes doigts aux siens. Sans se réveiller, il bouge légèrement et marmonne une suite de mots insensés, parmi lesquels il me semble pourtant reconnaître « bébé », « Lille » et « chat ». Je pouffe de rire, il est adorable. Le sommeil ne voulant pas de moi, je commence à l'embrasser aux coins de ses lèvres et caresse son visage dans l'obscurité. Sous mes doigts, sa légère barbe ne me lasse pas, et je reviens embrasser sa bouche, puis son menton. Je finis par le réveiller apparemment, puisque sans rouvrir les yeux il souffle :
« Est-ce que tu as toujours mal partout ? »
« Mmh... Il me semble que c'est passé. » je réponds, taquine.
« Ah oui ? »
Il se redresse sur un coude, et je distingue à peine les traits de son visage qui me sourit de plus en plus. J'enroule mes bras à son cou, réponds à son sourire, et caresse sa nuque en hochant simplement la tête. Alors qu'il vient embrasser mon cou et dérive sur ma poitrine, je le laisse faire quelques instants avant de l'interrompre :
« Je voudrais un massage, mon amour. »
« Cam... »
« Mes parents sont dans la chambre en-dessous, et Romane dort juste à côté, Léanne est au bout du couloir avec Jules qui peut se lever à tout instant et... » j'ai énuméré point par point la mauvaise idée d'un câlin à cette instant.
Charlie se stoppe alors et arbore un air que je devine renfrogné mais pas courroucé.
« Depuis quand tu te soucies de... »
« Depuis que la dernière fois Romane est entrée dans ma chambre sans crier gare, que ma mère n'a pas été dupe et que Jules aime nous surprendre quand on s'y attend le moins. »
« Je savais qu'on aurait dû prendre une chambre d'hôtel... » geint-il en s'écroulant presque sur moi avant de se décaler pour ne pas m'écraser.
Je m'esclaffe à nouveau et étouffe mon rire en venant l'embrasser. Après quelques baisers de plus et un cours râlement de frustration de sa part, j'ai le droit enfin à mon massage...
* * * * *
Nous rentrons enfin dans notre petit appartement parisien, je ne prends même pas la peine d'ouvrir les valises ou rebrancher l'électricité, je pars aussitôt dans la chambre, je suis exténuée. Alors que j'allais pour m'affaler sur le lit, le miroir au pied de celui-ci accroche mon regard, et je ne peux m'empêcher de détailler ma silhouette. Mes hanches toujours trop larges, ma poitrine trop gonflée, mes chevilles trop enflées, mes jambes ressemblent à deux jambonneaux, de ne plus faire de sport je vois quelque peu mes bras flasques... Ce n'est pas dû qu'à la grossesse, je suis lucide, j'ai trop grossi. En lâchant un soupir consterné, je sens Charlie qui vient se poster derrière moi, il appuie son menton dans mon cou et pose ses deux mains sur mes hanches avant de les faire glisser sur mon ventre qui déforme de plus en plus mon tee-shirt et commence à m'empêcher de fermer mes jeans. Je perçois son regard légèrement désinvolte car il ne me lâche plus et avant que je ne puisse rétorquer quoique ce soit, il souffle en déposant un baiser sur mon épaule :
« Qu'est-ce que tu es belle... »
Je me sens rougir violemment et ferme les yeux en me retournant pour enrouler mes bras à son cou, collée à lui ainsi, je me rassure de savoir qu'il ne peut plus me dévisager comme il le fait.
« Arrête de dire ça... » je murmure.
« Pourquoi ? Camille, tu es magnifique, tu es la plus belle femme au... »
« Non, Charlie ! Ne te moque pas de moi. »
« Mais qu'est-ce que tu racontes... Camille ? »
Je me détourne de lui et sur le point de repartir vers le salon, Charlie me rattrape et nous fait asseoir sur le lit. Une nouvelle fois sa main glisse sur mon ventre, et je me sens encore éprise d'une terrible gêne. Comment peut-il me désirer alors que je n'ai plus rien d'enviable ?...
« Tu es enceinte, Camille... Ton corps change, tes hormones sont devenues des électrons libres mais pour moi rien n'a changé, au contraire. Tu es à mes yeux toujours belle et même encore plus... désirable. »
Ses mots que je sais sincère me font un bien fou, même si je garde toujours cette part d'anxiété. Ses lèvres viennent se sceller au miennes dans un long baiser. Il nous entraîne en arrière pour nous allonger sur le lit.
« Je t'aime... » je murmure.
Je soupire sous son étreinte et comme à son habitude il ne peut empêcher de glisser sa bouche dans mon cou et descendre vers mon décolleté. C'est alors que me revient une pensée. Je me redresse sans ménagement, le bousculant presque et part dans le salon pour revenir avec un sac à l'épaule. Sur le point de parler, je pose un doigt sur sa bouche et le repousse légèrement en arrière pour le faire tomber sur le lit alors qu'il se mettait debout. Il tente de m'entraîner contre lui, mais je me défais de ses bras en lui adressant un sourire mutin.
« Cam... » souffle-t-il d'un air dépité et confus « Ça fait longtemps qu'on ne s'est plus retrouvés seuls, chez nous... »
« On n'est pas seuls. »
« Quoi ?? »
« Devine qui j'ai ramené... »
Il se redresse, ne comprenant pas. J'attrape le sac avec des aérations sur les côtés, et en sors une boule de poils clairs. Aussitôt Charlie se laisse retomber en arrière :
« Pas le fauuuve... » gémit-il.
« Simba est revenu ! » je m'écrie fièrement.
Je dépose le chaton, qui a bien grandi, sur le ventre de Charlie. Simba avance précautionneusement, et alors qu'il vient glisser sur son bras, il plante ses griffes dans sa peau pour tenter de se retenir. J'éclate de rire devant Charlie qui contient une exclamation douloureuse, et attrape Simba pour le poser au sol. Aussitôt il s'échappe dans feulement à travers la porte entrouverte et Charlie attrape ma main pour m'attirer contre lui.
« Tu n'as aucune pitié pour moi décidément... »
« J'avais peur que tu t'ennuies seul avec moi, comme Romane n'est plus là. »
« A présent c'est toi qui dit des bêtises. »
« Les hormones chéri, tu l'as dit toi-même... » dis-je en appuyant par un savoureux baiser.
« Alors qu'est-ce que tu vas faire, cet après-midi ? »
« Chercher un traiteur, une robe, un fleuriste, des musiciens... »
« Tu auras le temps de faire tout ça ? » raille-t-il, amusé.
« Ne sous-estime pas les pouvoirs d'une femme enceinte. » je rétorque alors.
En souriant, je me tourne pour le surplomber légèrement. Je caresse ses joues et murmure en m'installant à califourchon sur lui :
« Si tu savais comme j'ai hâte de te dire 'oui'... Encore. »
« Et moi donc. »
Il accroche ma bouche, et je le sens sourire dans son baiser. En le sentant glisser sur mes joues et ma mâchoire, je laisse échapper un rire et le repousse, lui arrachant une autre lamentation.
« Est-ce que tu vas faire ça à chaque fois ? » se plaint-il.
« Mon amour... J'ai beaucoup, beaucoup de choses à faire. »
« Tu pourras les faire après... »
« C'est toi qui passe après ! »
Je lui tire la langue et m'éclipse dans le salon. En ouvrant l'ordinateur, je commence mes recherches, gardant le téléphone à proximité. Charlie reste dans la chambre quelques instants encore, avant de sortir avec un sac de sport. Je hausse les sourcils :
« Où tu vas, avec ça ? »
« Si je veux ne pas faire tâche à côté de toi dans ta robe blanche, j'ai intérêt à carburer. »
« Charlie... Est-ce que tu es sûr que... »
« Ça va, Cam. Ne t'inquiète pas. »
Il vient embrasser mon front, caresse ma joue et, appuyé sur sa béquille, rejoint la porte.
« Fais attention, chéri. Appelle-moi s'il y a quoique ce soit... Si tu veux, je viendrai te chercher ! A quelle heure tu rentres ? Ou alors je pourrais venir avec toi, peut-être que j'aurais besoin moi aussi de... »
« Cam, Cam, stop... Ça va aller. Ne te dérange pas. Fais ce que tu as à faire et reste comme tu es... Parfaite ! »
Il m'adresse un dernier sourire, et la porte se referme sur lui. Je ne peux empêcher une légère angoisse de m'étreindre le c½ur, mais je me détends lorsque les minutes passent et que je n'ai pas de nouvelles. C'est que tout va bien. Je me replonge dans mes recherches, et l'après-midi s'écoule lentement et à la fois trop vite. Quand la porte se rouvre, je n'ai pas l'impression d'avoir été très productive, et c'est presque à contrec½ur que je ferme l'ordinateur pour venir rejoindre Charlie.
« Te voilà revenu sur le chemin des hommes costauds ? » je demande en venant enrouler mes bras à son cou.
« On va dire que je vais essayer... Mais je suis couvert de sueur, Camille, je vais aller prendre une douche. »
« J'arrive. » je lance d'un ton léger sous son regard incrédule. « Tu auras besoin d'une béquille pour te soutenir ».
* * * * *
Romane.
« Camille nous a envoyé les prototypes de faire-part ! » je lance en entrant dans la maison.
Aussitôt, maman me rejoint, et papa nous adresse un regard quelque peu intéressé depuis la cuisine. J'ouvre l'enveloppe et en sort une feuille au grain épais, couleur ivoire. Je la parcours rapidement, mais maman me l'arrache presque des mains, et je la vois presque trembler. Des embossages irisés entourent leurs deux prénoms, et à la suite on peut lire le lieu, l'heure et le jour de la cérémonie.
« Elle va se marier...à Alès ? » balbutie-t-elle.
« Elle nous l'avait dit, quand elle était encore à la maison... Tu n'écoutes rien ? » je soupire en levant les yeux au ciel.
« Romane, ne parle pas comme ça à ta mère. »
« Ils ont loué un mas avec assez de chambres pour tout le monde, elle nous a même montré les photos. Il y a une suuuper piscine ! Ça va être trop bien. »
« Alès... Pourquoi pas ici, à Lille ? »
« Maman... Au moins, là-bas, il fera beau. Et chaud. Et on pourra visiter un peu autre chose que votre Nord chéri... »
« Mais normalement le mariage doit se faire dans la ville de résidence des mariés ou celle d'origine de la mariée. Pourquoi pas Paris dans ce cas ? »
« Mam' ! Sois pas vieux-jeu ! Lille et Paris c'est carrément moins bucolique et champêtre qu'un mas en Provence. Et là-bas y'a la super piscine. »
Elle ne me répond pas et part rejoindre mon père en s'enfermant dans la cuisine. Désespérée, je repose alors l'enveloppe décachetée sur la table du salon et remonte dans ma chambre. Sortant mon portable de ma poche, je compose le numéro de Camille. Elle décroche immédiatement.
« Vous les avez reçus ? » demande-t-elle sans préambule.
« Bonjour à toi aussi, tout le monde va bien, merci... »
« Romane, dis-moi ce qu'ils en ont pensé. »
J'entends à sa voix sont inquiétude que je trouve un peu exagérée et dont je vais en jouer.
« Maman est scan-da-li-sée que tu veuilles te marier à Alès et pas à Lille. Ce n'est pas dans les traditions.»
Je l'entends soupirer, comme je l'avais fait quelques minutes auparavant. Elle garde le silence un instant avant de lancer :
« Charlie, je te l'avais dit. Ils désapprouvent le Sud. »
Je sais que ma s½ur est comme moi, elle aime prendre à contre-pieds la vie et le déroulement des choses, sinon elle ne serait pas enceinte de Charlie qu'elle fréquente depuis à peine un an. Mais je la sais aussi à toujours vouloir être dans les bonnes grâces de nos parents.
« Et alors ? » Je m'insurge. « Tu vas les laisser décider pour toi, pour vous ?! Tu as 24 ans Cam', ils n'ont pas à remettre en cause tes décisions, surtout quand il s'agit de ton mariage !»
« Ro... »
« Vous avez décidé de vous marier à Alès. Vous n'allez pas revenir sur ça juste parce que papa et maman font leur crise de vieux tradis ? »
« Romane, ce n'est pas n'importe qui, c'est quand même nos parents... »
« Mais les mariés c'est vous. »
« Tu ne comprends pas... »
Elle m'exaspère, quand elle me parle comme à une enfant de huit ans, bien sûr que je comprends. Cam' pense devoir obéir aux désirs de nos parents pour faire enfin admettre Charlie dans la famille et faire passer la pilule qu'elle est tombée enceinte et s'est mariée en cachette. Mais bon faut pas dramatiser non plus, nos parents ne sont pas les Capulet et ceux de Charlie les Montaigu et leur histoire ne va pas se terminer en tragédie comme une fin à la Shakespeare.
« Y a pas grand-chose à comprendre ! Tu vas les appeler, tu vas leur dire que tu veux te marier à Alès, et pas ailleurs ! Tu ne vas pas gâcher ce jour en venant te marier dans le Nord pluvieux, froid et tout, passer à côté du charme d'un mas de Provence »
Elle ne répond pas. J'exagère les clichés, mais c'est pour la faire réagir uniquement.
« En plus, je veux pouvoir profiter de la piscine. J'espère que tu n'as pas changé d'avis concernant l'hébergement. » Je l'entends presque rire à ces mots.
« Merci, Romane... Oui tu as raison Je vais... Je vais peut-être les appeler maintenant, tu as raison. »
Je l'encourage une dernière fois avant de raccrocher. Quelques instants plus tard, j'entends le téléphone de la maison qui sonne, et j'esquisse un léger sourire tout en m'éclipsant dans ma chambre.
« Allô ? » décroche ma mère. « Ah, Camille... »
* * * * *
Charlie.
« Eh, détends-toi. T'as peur de quoi ? Qu'elle ne vienne pas ? »
Faisant les cent pas devant la voiture, j'ignore Fabien, assis au volant qui me lorgne de son sourire narquois.
« Charlie, elle est folle de toi. Elle t'aime, sois pas ridicule, elle viendra. »
« La voiture devrait déjà être là. » Je marmonne. « Et si elle... Si elle avait réfléchi ? Imagine que... Que ses parents aient réussi à la convaincre que ce mariage soit inutile..., que finalement je ne suis pas assez bien pour elle et... »
« Charlie, stop ! Tu délires là mon vieux. » Me coupe Fabien. « Déjà, quand elle arrive, tu ne dois pas la voir, donc peut-être que si l'on rentre, elle se décidera à montrer sa jolie tête. »
« Arrête tes conneries... »
Je laisse un mince sourire se dessiner sur mon visage, détendant quelque peu mes traits. En passant une main dans ma nuque, j'essaie de me décontracter. Depuis ce matin que Romane m'a mis dehors en disant que je devais respecter la tradition et ne pas voir Camille avant qu'elle n'entre dans l'église, je ne peux m'empêcher d'angoisser. On n'est jamais à l'abri d'un imprévu... Et même si je sais que Camille a tout organisé à la minute près, j'ai peur que quelque chose ne vienne troubler la journée. Je triture mon col de chemise, j'ai l'impression de suffoquer, mon n½ud papillon me semble trop serré.
« Tous les invités sont là ? » Me demande Fabien pour tenter vainement de m'occuper l'esprit.
« A vue d'½il, il manque... Ma mère, et le grand-père de Camille.» Je réponds d'une voix sourde.
« Alors tu auras le droit d'angoisser quand tout le monde poireautera devant l'église depuis une heure et que Camille ne sera toujours pas là. »
Il m'adresse un sourire rassurant et je le remercie d'un regard. Je n'ai pas le temps de laisser mon regard aller sur les invités, que j'entends une voix criarde m'interpeller.
« Chéri ! »
Je reconnais cette voix et me crispe presque malgré moi en me tournant vers la femme qui s'approche, au bras d'un homme que je reconnais aussitôt. Je me retiens de serrer les poings. Tous deux assortis dans des couleurs rouges et violettes dans un costume et un tailleur que je trouve ringard, ma mère au bras de son compagnon s'approche.
« Bonjour maman... Et bonjour Thomas. »
Ma mère, juchée sur ses talons, vient m'enlacer avant que son compagnon ne me serre la main. Je leur adresse un sourire crispé. Camille a insisté pour les inviter, alors que je disais que ce n'était peut-être pas nécessaire... Du moins pas besoin de l'inviter lui. Mais elle m'avait adressé un de ses regards, un de ses sourires, en disant que ma mère n'avait pas à venir seule. Alors j'avais cédé, bien sûr. Après tout, ce n'était que pour une journée, puisqu'ils ne resteraient pas au mas ce soir.
« Comment vas-tu, Charlie ? Tu stresses ? »
Je soupire simplement pour répondre à la question -plutôt idiote-, et hoche distraitement la tête. Puis, derrière son épaule, j'aperçois la silhouette du grand-père de Camille, accompagné d'une jeune femme que je reconnais comme Eléonore, une cousine de Camille, si je ne me trompe pas. Je vois en suite Georges son père qui vient cocher les noms sur sa feuille, et il me cherche ensuite du regard. J'en conclus que tout le monde est là. Et la voiture de Camille n'est toujours pas arrivée.
« Charlie, il faut commencer à entrer dans l'église. » vient-il m'annoncer en s'approchant.
Fabien ajuste son costume, resserre son n½ud de cravate et pose une main sur mon épaule pour me rassurer et m'entraîner vers l'intérieur. Je me sens angoisser de façon ridicule, comme un enfant. Pourquoi je devrai me sentir comme tel, c'est Cam' qui m'a demandé en mariage, c'est elle qui a tout organisé. Elle ne me planterait pas rien que pour voir les boutonnières d'orchidées accrochés aux vestes ou étoles des témoins, accordées avec les gerbes de fleurs qui ornent les rangées de la nef centrale. Mais j'imagine qu'aujourd'hui j'ai le droit d'être angoissé, plus qu'un tout autre jour... Aujourd'hui est le plus beau jour de ma vie. Aujourd'hui est censé être le plus beau jour de ma vie. Bon sang et si elle ne venait pas.
« Charlie ? »
J'opine retrouvant mes esprits expirant un long soupir pour tenter de me détendre, tandis que Georges commence donc à prévenir tout le monde. Je passe nerveusement mes mains sur mon costume pour effacer des plis imaginaires, et ma mère vient alors poser ses mains sur mon col et redresse mon n½ud papillon. En m'adressant un doux sourire, elle caresse doucement ma joue. Elle a les yeux brillants, et attrape ensuite mon bras. Thomas s'éclipse pour entrer avec le reste des invités. Avec une dernière accolade, Fabien s'éloigne à son tour pour rejoindre Elsa, non loin.
« N'angoisse pas, chéri. Tout va bien se passer. » Dit doucement ma mère.
Alors que nous avançons doucement jusqu'à l'entrée, je jette un ½il derrière moi... Aucun signe envisageant l'arrivée de Camille. Renfrogné et de plus en plus angoissé je rive mon regard au sol. Camille voulait une entrée traditionnelle, et je me sens mal à l'aise d'être seul avec ma mère sous la centaine de regards sur nous. Je me sens idiot et emprunté, car je ne sais pas depuis combien de temps je n'ai plus partagé un instant comme ça avec elle, silencieux, côtes à côtes.
Quand nous traversons l'église, jetant quelques coups d'½il furtifs je constate que les rangs sont bien remplis. Je prends alors conscience que, finalement, nous sommes plutôt éloignés du mariage en « petit comité » dont Camille m'avait parlé. Mais ce n'est pas pour me déplaire... C'est comme si, après tout ce temps à devoir cacher notre relation, je voulais maintenant l'exposer à tout le monde. Le plus de monde possible. Je ne peux alors m'empêcher d'esquisser un sourire en repensant à ce moment. Camille venait de faire le décompte du nombre d'invité, je revois son air concentré mâchouillant son crayon et sa mèche tombant sur ses yeux.
« 98... 99... 101... 102... 103... Et avec nous deux... Nous serons 105 ! »
« 105 ! » Je répète. « Heureusement que tu avais dit 'petit mariage'. »
« Tu m'as dit qu'on ne pouvait pas inviter ton cousin Hector sans ses trois s½urs et elles sont toutes accompagnées et maman de deux enfants chacune et... » »
« Et tu as raison... » Je la coupe amusé, « il en est aussi de même pour toi mon amour si je ne m'abuse. Eléonore, Mathilde et... comment déjà ?»
« Julia... Oui je sais, ne me rappelle pas que ces trois pimbêches seront présentes. » Souffle-t-elle alors reposant la liste et prenant la tête entre ses mains.
« Nous ne sommes pas obligés de les inviter dans ce cas. Hector pourra comprendre et pour ce qui est de tes cousines... » Elle soupire. « Cam' c'est notre mariage on peut inviter qui on veut. »
«Parle pour toi, c'est la condition pour que mes parents viennent à Alès. Inviter Eléonore et ses s½urs. »
« Eléonore... Je l'avais croisé il me semble, elle n'était pas si horrible quand je l'avais vu. »
« C'est parce qu'elle n'était pas en position de force. »
Je la sens tendue pour la première fois depuis le début de la préparation de notre mariage, après l'annonce à ses parents que nous avons choisi un mas près d'Alès.
« Faut que tu te détendes, Cam'. »
« Plus facile à dire qu'à faire, car je sais exactement comment ça va se passer. J'entends déjà leurs critiques.»
Assise en tailleur sur le canapé, Camille mordille plus nerveusement son crayon. Je viens décroiser ses jambes et l'embrasse tout en lui retirant le crayon des mains.
« Charlie, qu'est-ce que tu fais. »
« J'aide à te détendre. »
Mes yeux se posent sur Eléonore affublait d'une robe provoquante dans un ton écru, elle me lance un regard aguicheur à notre passage. Je le détourne aussitôt et me concentre sur les deux derniers mètres avant d'arriver à hauteur du prêtre. Maman me lâche le bras devant l'autel, et va s'asseoir à sa place. Je me tourne vers l'entrée de l'église, et je vois alors Marie entrer au bras de mon père. Mon c½ur s'allège quelque peu : si sa mère est là, Camille est là. Elle devait arriver toutes les deux dans la même voiture. Fabien et Elsa sont les prochains à entrer, et je sens alors presque ma respiration se couper tandis que ma boule au ventre remonte dans la gorge. Elle est la prochaine à entrer.
La musique me parvient alors. Elle a dû démarrer depuis que les invités sont entrés mais je n'en prends conscience que lorsque je vois Georges entre les grandes portes et Camille à son bras. J'ai l'impression qu'avec le soleil qui vient de derrière elle, elle rayonne plus encore. Elle affiche un sourire presque timide, et Georges la fait avancer jusqu'à moi en affichant un air fier. Je n'y fais pas attention, je ne vois plus que Camille. Plus rien d'autre n'existe, plus rien d'autre qu'elle. Sous le quatuor à cordes qui résonne au sein de la nef, Camille s'avance à pas mesurés et presque trop lentement à mon goût, et plus elle s'approche, plus je la détaille.
Sa robe est splendide. Le bustier est en dentelle, à fines bretelles, et le tissu du jupon est fluide et semble si fin qu'il volette à chacun de ses pas. Simple et splendide. Ses cheveux, qui ont repoussé, sont ramenés en un chignon bas et retenus avec une broche florale. La forme de la robe épouse ses formes à la perfection, soulignant son ventre qui s'arrondit toujours plus mais juste comme il faut. Je ne peux plus la quitter des yeux. Elle est parfaite. Elle est parfaite...
Alors qu'elle s'approche, je suis soudain pris par l'envie furieuse de l'enlever, de la cacher à tous, ne la garder que pour moi. L'enlever à tous ceux qui, autour de nous, la regardent, la voient comme je la vois. Mais pourtant... Je veux aussi qu'ils la regardent. Je veux que tout le monde voie comme elle est belle, comme elle rayonne. J'ai envie de la montrer à tous, à l'univers entier, avant de m'enfermer avec elle. Et ne plus voir qu'elle, pour la fin de ma vie. Cette vision d'elle. Je la fixe intensément car cette image d'elle, je veux la retrouver dans ma mémoire lorsque je mourrai.
Elle avance, à la fois trop lentement et trop rapidement. En à la fois une seconde et toute une éternité, elle se retrouve devant l'autel. Georges lui lâche la main, elle lui adresse un sourire éclatant. Il lui dépose un baiser sur la joue et elle franchit ensuite seule les deux pas qui nous séparent. Elle est juste en face de moi à quelques centimètres. Je n'ai même pas à tendre le bras pour la toucher et lui prendre les mains et pourtant j'ai l'impression qu'elle est beaucoup trop loin de moi. En tâchant de calmer ma respiration, j'attrape sa main et souffle :
« Tu es magnifique. »
Elle rougit légèrement et baisse les yeux. Je devine qu'elle est au bord des larmes lorsqu'elle papillonne des cils. Je me contente seulement de sourire... Ce sourire qui ne disparaît pas de mon visage. Je dois avoir l'air d'un idiot.
« Tu es magnifique, toi aussi. » me glisse-t-elle alors qu'elle entrelace ses doigts dans les miens.
«Charlie placez-vous à gauche de Camille, le mariée doit être du côté du c½ur de sa future épouse. »
J'opine et m'installe alors à l'endroit indiqué. Nous nous asseyons pour la première partie de la cérémonie consistant à entendre quelques textes que nous avons choisis que nos témoins liront. Père Vincent enchaîne ensuite avec la bible et le pouvoir sacré de l'union dans une église. Ce que dieu uni, aucun homme ne peut détruire. L'heure de la bénédiction des alliances sonne, nous nous levons tous. Je vois, aussi attendri que Camille, Jules s'approcher de nous avec le coussin. Je défais le n½ud souple qui retient les anneaux. Tremblant j'attrape l'alliance de Camille, et sous la direction de Père Vincent j'annonce faiblement au micro :
« Moi, Charlie, je te reçois, Camille, comme épouse. Je promets de te rester fidèle dans le bonheur et les épreuves, dans la santé et la maladie, et t'aimer tous les jours de ma vie. »
Je prends sa main et non sans être fébrile je lui passe la bague au doigt. Camille en fait de même, et je perçois un léger tremblement dans ses mains quand elle glisse l'alliance à mon annulaire.
«... Tous les jours de ma vie, et même au-delà » ajoute Camille dans un sourire.
Je réprime un sourire heureux, ma poitrine gonflée à bloc. Le regard de Camille se fixe derrière mon épaule, où j'aperçois Eléonore échanger quelques messes basses avec... peu importe. Je pose ma main sur sa joue pour détourner son attention. Ses yeux captent de nouveau mon regard et je fonds.
Voici pour ce 59ième chapitre partie 1, en espérant qu'il vous aura plus... La seconde partie arrivera dans seulement quelques jours. Laissez-nous vos avis ! :)
XOnce-upon-a-dreamX, Posté le lundi 11 juillet 2016 08:28
Clara-D a écrit : " "
Merci à toi pour ton commentaire :) Ravies que le mariage t'ait plu :) le bébé va arriver, c'est certain. xx L